La Nouvelle Auberge
« Whir-au-Val: merveilleux Bernard Leray! »
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Il était le méconnu du Haut-Rhin, l’homme des hautes terres vers le val de Munster. Depuis vingt ans, il refait le monde dans un ancien relais de bord de route dont la façade est trompeuse. Rassurez-vous: le bonheur est à l’intérieur. Bernard Leray est un chef étincelant multipliant les allusions à ses divers terroirs: l’Alsace côté Val de Munster, avec des clins d’oeil au repas marcaire, breton étincelant avec un travail sur le poisson, les crustacés, les légumes comme là-bas, drômois, aussi, car cet ancien de chez Bernard Loiseau, jadis à la Côte d’Or de Saulieu, qui suivit son copain Bohrer à Rouffach, fut le chef du Mas des Sources à Malataverne, à fleur de Rhône.
Au premier étage, de ce qui fut jadis un relais routier transformé en table de classe, il propose une grande cuisine alsaco-bretonne, très ancrée dans le temps présent, sans jamais négliger le terroir ni la tradition. Tandis que le rez de chaussée est dévolu aux dînettes d’un bistrot simple avec son menu à l’ardoise. Martine, son épouse, native du Florival, veille avec dynamisme sur un service féminin et charmeur qui apporte des assiettes séductrices et colorées.
Le cadre du premier étage, entre colombage mural et joli parquet, possède le charme champêtre. La carte et les menus sont un condensé de ce qui se propose de mieux dans l’Alsace d’aujourd’hui. On peut disserter à l’envi sur l’amuse-gueule qui reconstitue dans le verre les saveurs du repas marcaire déjà cité: roïgebrageldi en purée, jus de collet fumé. Sans oublier cette tartine de mettwurst aux éclats de raifort ou ce kougelhopf farci au lard. Mais il y a aussi, en entrées véritables, la soupe d’escargots de la Weiss au jus de persil aillé, son consommé de boeuf en tasse, sa tartine à la fricassée d’escargots, la chair de tourteau assaisonnée avec sa mayonnaise blanche (au blanc d’oeuf sans le jaune), ses navets en aigre-doux, sa déclinaison de radis.
Classique ici, et splendide, la variation sur pêche du lac Léman, avec les poissons du maestro Eric Jacquier, avec féra, omble chevalier, brochet, sa duxelles forestière, son essence de poisson blanc émulsionnée au vin jaune, séduit avec ampleur, richesse, finesse. Mais la lotte et langoustine avec ses petites pommes de terre de Noirmoutier safranées et un bouillon de crustacés, indiquant que bon sang breton ne saurait mentir, comme d’ailleurs le homard bleu, sa fine bisque froide, son chou fleur traité en espuma et semoule à la fois, sont pareillement séducteurs.
On revient en Alsace avec le foie gras chaud escalopé en finesse et marié à la betterave, cuite ou en sorbet, additionné d’oignons nouveaux. Et l’on se délecte des morceaux nobles d’agneau cuisinés au jus de thym, avec une purée de haricots blancs et une déclinaison de carottes. Les vins de la région sont au diapason, comme avec l’élégant riesling les Pierrets de Josmeyer, habitué « historique » de la maison, ou le splendide pinot noir du très local Schoenheitz à Whir-au-Val.
On ajoute que le moment du fromage n’est pas négligé avec le munster frais au kirsch façon « siaskass » ou le même, affiné, et servi avec une gelée de gewurztraminer. Et les desserts, comme le travail autour de l’abricot de la Drôme (crème brûlée à la reine des près, abricots rôtis à l’huile d’olive, amandes grillées, fine pâte sablée), le soufflé au marc de gewurz ou la meringue avec sa mousse chocolat au craquant de pralin et gavottes (comme en Bretagne!) plus glace chicorée sont de l’or en barre.
Bref, ce Bernard Leray mérite enfin la reconnaissance. D’Alsace, de Bretagne, de la vallée de Munster, il est le plus valeureux champion gourmand qu’on puisse rêver.