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Despentes, Marc Lévy de l’underground

Article du 7 juillet 2015

9782246857365-X

Magistral et fulgurant. Une oeuvre d’art » (sic) ou encore « Rarement le lecteur s’émouvra (sic) pour une telle galaxie de personnages » (resic): voilà ce qu’on trouve, parmi onze citations flatteuses, signées de critiques estimés, au dos de la couverture du livre concernant le premier tome de Vernon Subutex. Déraisonnable? Résumons d’un trait le volume un: ex disquaire perclus de dettes, VS se retrouve SDF dans Paris. Autour de lui grouille une foule de silhouettes habilement troussées qui font du dit Vernon une légende urbaine, mais aussi le détenteur d’un « trésor »: une mystérieuse cassette enregistrée par le chanteur Alex Bleach peu avant sa mort.

Il y a là une hardeuse de choc (entendez une ex star du porno) au charme vénéneux, Pamela Kant, un producteur maléfique, Laurent Dopalet, une ex privée reconvertie dans le lynchage cybernétique, la Hyène, – on vous fait grâce des autres – qui courent après l’ombre du mystérieux Vernon, sorte Rimbaud sous ectasy, qui devient peu à peu le gourou des Buttes Chaumont, vivant sous sa tente, comme dans une nouvelle cour des miracles. Le second tome de Vernon Subutex tombe un peu dans la redite, s’abime dans la caricature, s’enferme dans ses tics de langage. Certes, Virginie Despentes sait raconter une histoire, use avec habileté des ficelles en vogue, nous donne le pouls d’une certaine faune parisienne imprimant l’air du temps, restituant son parler, sa langue, ses codes, ses rites.

Tout cela est fort habilement troussé, vulgaire, certes, mais avec ce qu’il faut de piment pour que l’excitation du lecteur ne retombe pas jusqu’à l’issue. Même si celle-ci déçoit un peu, s’apparentant à une queue de poisson. Les personnages qui gravitent dans l’orbite Vernon (ce dernier disparaît franchement de nos radars et n’est plus qu’une silhouette pénombreuse dans ce deuxième volet jusqu’à resurgir en DJ influent mais embrumé) sont bien troussés. Reste que tout cela ressemble à un joli fatras jouant les allusions multiples – il y a même la fameuse scène, empruntée à Millenium, du violeur tatoué par sa victime ou plutôt ses ayant-droits. L’auteure de « Baise Moi » et de « Apocalypse Bébé » fatiguerait-elle un peu? Comme le dit un de ses personnages, p. 339: « tant qu’à faire chier le monde, autant le faire avec élégance« . Objectif partiellement réussi.

Vernon Subutex 2, de Virginie Despentes (Grasset, p. 383, 19,90 €).

A propos de cet article

Publié le 7 juillet 2015 par

Despentes, Marc Lévy de l’underground” : 1 avis

  • Hugo Rudy

    Pas tellement d’accord avec vous, mon cher M. Pudlowski. Le premier roman était effectivement mieux que le second, mais je connais peu d’auteurs capables de retranscrire l’ambiance et les personnages du Paris contemporain comme elle le fait. Je dois dire que je ne connais pas votre prose romanesque, mais votre prose gastronomique, pour la fréquenter depuis longtemps, n’évite malheureusement pas l’écueil de la redite elle non plus. Relisez vos critiques, elles sont très souvent sur le même ton et suivent le même plan…
    Cordialement

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