Jean-Pierre Coffe par Jean-Pierre Coffe
Il a beau avoir publié une trentaine de livres en tout genre, il ne s’était jamais livré ainsi. Jean-Pierre Coffe se raconte, souffle le chaud et le froid, tord le cou aux légendes, extirpe des moindres recoins de sa mémoire des bribes de souvenirs qui reviennent parfois en boucle. Sa petite enfance plutôt malheureuse à Lunéville (la cité lorraine n’est nommée, incidemment; qu’à la page 16, sinon elle n’est qu’une « petite ville de province« ), juste avant la guerre, avant les aléas provoquées par celle-ci, la mort de son père en juin 1940, l’exode, le refuge rapide à Saumur chez une grand-mère cuisinière chez les riches, une mère absente, secrétaire, puis reprenant le salon de coiffure pour hommes de son défunt mari, le quittant pour un hôtel à Nancy, choisissant enfin de vivre à Paris dans l’ombre d’un aristocrate qui l’entretient, tenant teinturerie grâce à lui. Le petit Jean-Pierre grandira vite, mal, traversant la guerre, revenant chez lui, transféré de pensionnat en collège religieux, exilé un temps, avec un bonheur en Suisse, apprenant l’anglais au débotté dans une famille absente, puis faisant l’apprentissage du métier de comédien au Cours Simon, revenant à la teinturerie familiale, travaillant dans le papier chez Job, glissant aux éditions Laffont, découvrant enfin le monde de la gastronomie et le compagnonnage avec Henri Gault. On a passé les épisodes d’un mariage malheureux et de la non-naissance douloureuse de son fils.
Le Coffe gourmand passionné, chroniqueur télévisuel et radiophonique, se dévoile peu à peu. Il sera fermier un temps en Seine-et-Marne, et, après un grave accident de voiture, ouvrira un restaurant, sa première Ciboulette, grâce aux Descats de Lous Landes. La tuerie de son propre cochon à cette occasion est d’ailleurs un des grands passages du livre. Jean Poiret, Caroline Cellier, l’ami Jean Carmet seront aux premières loges de ses débuts d’aubergiste. La seconde Ciboulette, puis celle, grandiose, du plateau Beaubourg, du plateau Beaubourg sont contées ici avec précision et sans emphase, comme c’est début à la télévision avec Jacques Martin au Petit Rapporteur. Sous le Coffe malheureux, avec son enfance à la Dickens, se dévoile un autre Coffe, plus heureux, plus joyeux, mais que les malheurs n’épargnent pas. Comme les rapports toujours difficiles avec sa mère, qui l’aide pour ses ouvertures, tient la caisse, joue son rôle, s’éloigne, se plaint… Le petit chose Coffe devient peu à peu le personnage truculent que nous connaissons, joyeux, féroce, avec ses lunettes rondes, ses expressions fameuses (son « c’est de la m… », prononcé comme un saucisson innommable).
Ses débuts à Canal Plus avec un Michel Denizot qui n’est pas épargné, son compagnonnage difficile avec Philippe Bouvard, son règlement de compte avec Jean-Luc Delarue, ses jours bénis avec Michel Drucker: tout ici est raconté avec franchise, netteté. On oublie au passage les confessions qu’on le laisse le soin de découvrir au lecteur sur la découverte de sa bisexualité. Coffe se raconte ici sans fard. Jean-Pierre se livre avec franchise. Il écrit vif, dru, sec, sobre et sans larmes. S’est bien servi des leçons du copain Jean-Paul Carrrière qui expliquait comment lutter contre les pannes d’inspiration et a écouté son ami Jean Teulé qui lui a suggéré le titre.
Tout cela fait un livre-confession souvent assez poignant, souvent drôle aussi, toujours passionnant. Vrai : cette vie de Coffe se croque avec une belle avidité.
Une vie de Coffe, par Jean-Pierre Coffe (Stock, 393 pages, 20 €).
Sans occulter Leader Price pour le sonnant et trébuchant à défaut du gourmand/ croquant !!
C’est de la m…..ce sont ses mots.