Dersou

« Paris 12e: connaissez-vous Dersou? »

Article du 30 mars 2015

Un coup de coeur de notre avocat gourmet Didier Chambeau pour une table toute neuve…

Amaury Guyot et Taku Sekine © DC

Amaury Guyot et Taku Sekine © DC

Entre le faubourg Saint Antoine et la rue de Charenton, cette petite rue traversante va devenir une belle adresse. Un décor dans le genre « défraîchi, travaux à prévoir », dont on ne sait avant d’entrer si les entrepreneurs commenceront demain ou s’il s’agit d’un concept pensé et léché à la virgule près. Bingo, on est sur la seconde version. Un décor brut, bobo à souhait, des murs grattés avec un pilier laissé en l’état pour donner le cachet d’un lieu oublié, vestige humide et quelque peu destroy qui en fait un élément de déco, des lampes qui tombent du plafond, un lustre central qui part dans tous les sens, un long comptoir en chêne derrière lequel se préparent plats et cocktails. On oublie alors le cadre pour se concentrer sur l’assiette.

La salle © DC

La salle © DC

On peut dîner assis dans la salle, chaise et table au design uniforme et minimaliste, mais également et surtout, assis côté bar au coude à coude, sur des tabourets perchés à l’assise confortable, face au chef et ses aides, pour le plaisir de voir dresser les assiettes des voisins et ne pas en perdre une miette. Voici l’histoire d’une rencontre, deux personnalités au passé reconnu mais d’évidence promis à l’avenir. Pourquoi Dersou ? Un nom lancé au hasard, lequel, étrange coïncidence, est celui du film millésimé 1975 d’Akira Kurosawa, « Dersou Ouzala », l’improbable rencontre qui se mue en très forte amitié entre deux êtres que tout oppose (un autochtone sibérien et un topographe russe), un peu à l’image de nos deux boss: Taku Sekine, trois ans chez Ducasse à Tokyo puis à Paris, sous-chef chez Hélène Darroze, de passage chez Fish, Saturne et le Clown Bar, et Amaury Guyot, patron du Sherry Butt dans le Marais, un génie du cocktail à tout va.

Gyoza, bouillon, coriandre © DC

Gyoza, bouillon, coriandre © DC

Vous l’aurez compris, là où certains font l’alliance mets-vins, d’autres l’alliance mets-thés, on découvre ici l’alliance plat-cocktail. Du jamais vu dans l’hexagone, hormis quelques expériences pour des événements éphémères. Comme on se sait chez des pros, on attend avec impatience sans complaisance la démonstration. On démarre soft par ce chou fleur, dorade raifort et fromage blanc, rafraichissant et plaisant, histoire d’une mise en bouche vierge de toute effluve. On continue pour voir avec ce Bo yu, tapei style, grosses pâtes chinoises, généreusement servies et fort appétissantes.

Lieu jaune © DC

Lieu jaune © DC

Les Gyoza, raviolis japonais, sont accompagnés d’un cocktail de sirop de feuille de bourrache et de gewurz, citron jaune, menthe, genièvre, vin blanc de bourrache, une alliance herbacée et florale, douce et surprenante,. La daurade, cresson, fève, fromage blanc est un délice, accompagné d’un cocktail tequila, shrubb de noisette au vinaigre de champagne, sirop de betterave, citron jaune et jus de pomme, une note exotique fruitée. Le canard de chaland, étouffé, est accompagné d’un riz noir bio, quinoa, cacahuète et oignon. Succulent. Alliance heureuse et parfaite avec ce « cocktail genever », réduction de jus d’orange frais, madère et cherry, le tout fumé au bois de pommier, un côté acidulé et oxydatif.

Daurade, cresson, feve, fromage blanc © DC

Daurade, cresson, feve, fromage blanc © DC

Epatant. Le lieu jaune de ligne de Saint Jean de Luz est rôti au beurre, avec coques, choux de Bruxelles, sauce avec anchois, ail, persil, câpres, harissa maison. Cela parle tout seul. Encore plus bavard avec ce cocktail de Cachaça, rhum brésilien, sirop de graine de tournesol, vinaigre de vin rouge, Pedro Ximenez et poudre de betterave: un presque assaisonnement qui relève le plat, un juste équilibre entre mets et cocktails. Une alchimie.

Canard challlandais ©  DC

Canard challlandais ©  DC

On pourrait en rester là mais seulement par gourmandise, on part sur le chease cake avec glace et poudre de fromage blanc. Ça laisse le goût d’une belle sortie dont on se félicite d’avoir péché par gourmandise. On ne passe pas sous silence le pain fumé aux noyaux d’olives de chez Benoit et Olivier, les voisins du bout de la rue. Le service féminin est franchement top, entremêlé de sourire, douceur et d’efficacité. Précision donnée que la priorité ira aux réservations qui opteront d’avance pour la formule 5 ou 7 plats cocktails. Et bientôt un brunch le dimanche… à suivre.

Bo yu, Taipei style © DC

Bo yu, Taipei style © DC

La carte des vins existe, avec d’intelligents flacons raisonnablement tarifés pour qui bloquerait sur le concept. Une cuisine avant-gardiste qui nous parle tout simplement, une fusion maîtrisée par un vrai pro et son comparse étonnamment ingénieux dans l’art du cocktail. On venait ici en curieux, on ne cherchait pas le gastro mais peut être l’effet de mode pour ne pas passer « à coté » et on repart heureux avec une belle adresse en poche. Ce qui serait sophistiqué pour certains restera naturel pour d’autres. On qualifie le concept de gastro décontracté et on résume alors cette trouvaille : si la mode est éphémère, pas Dersou.

Cheesecake a l'orange © DC

Cheesecake à l’orange © DC

Dersou

21 rue Saint Nicolas
Paris 12e
Tél. 09 81 01 12 73
Menus : 90 € (5 plats / 5 cocktails), 130 € (7 plats / 7 cocktails)
Carte : 44-50 €
Horaires : 19h30-23h
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi midi, mercredi midi, jeudi midi, vendredi midi, dimanche soir
Fermeture annuelle : Août
Métro(s) proche(s) : Ledru-Rollin
Site: www.dersouparis.com

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Publié le 30 mars 2015 par

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