Dal Pescatore
« Canneto-sul-Oglio: la magie Santini »
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C’est une table magique au coeur de l’Italie heureuse. La meilleure du monde? Je l’ai dit, je l’ai écrit jadis. Voilà que j’y reviens, y retrouvant le sens du geste sûr et l’instinct du goût juste dans un lieu sans emphase. Rien ou presque n’a changé, sinon le monde qui bouge, la marche de la mode qui s’affole, tandis que cette maison-ci demeure fidèle à elle-même, avec son exigence de sincérité, de rigueur, de vérité. Le lieu, d’abord, et son environnement bucolique figurent comme un centre du monde.
Nous sommes au coeur de la plaine du Pô, qui sépare la Lombardie de l’Emilie-Romagne, en lisière d’une fine rivière dite l’Oglio, l’huile en Italien, et c’est comme un symbole insolite jouant le juste repère. Le bourg de référence se nomme Canneto. Mais, comme en Italie rien n’est vraiment simple quand tout semble l’être, voilà un hameau seulet sur son chemin au carrefour de toutes les routes, qui se nomme Runate. Il y a là quelques maisons couvertes de lierre, repeintes en rouge et jaune, un peu de lumière, des fenêtres ouvertes, une cour discrète où l’on se gare. C’est là.
Ce coeur du monde se trouve entre Crémone et Mantoue, Parme et Vérone, non loin de Modène et encore de Zibello, autant de cités historiques qui évoquent des produits de haute volée. Nadia qui oeuvre en cuisine, avec sa belle-mère, Bruna et son fils Giovanni, n’a de cesse de leur rendre hommage, ainsi qu’aux traditions locales, aux fruits des champs, des rivières et des marais, escargots, grenouilles, anguille, poisson chat, sauce aigre douce, fameux culatello, jambon divin, saucisse exquise, lard gras, Parmesan des collines, mais aussi biscuits aux amandes, qui se nomment Sbrisolona. Manière de dire que la gourmandise est un hommage autant qu’un partage, qu’elle exige respect, fidélité, sûreté, franchise, beauté du geste, volonté d’exigence et souci de vérité. Cuisine ici se dit éthique.
Nulle part ailleurs, je ne peux appliquer aussi bien l’adage de Curnonsky selon lequel « la bonne cuisine, c’est lorsque les choses ont le goût de ce qu’elles sont ». Ou encore celui de Prosper Montagné selon lequel « on ne fait du bon, qu’avec du très bon« . Mais il est vrai qu’on est là dans le domaine de la justesse, de l’excellence, de la précision de la netteté.
Bien sûr, on pourrait insister sur le cadre spacieux et, en regard, le faible nombre de couverts, le service appliqué, le décor de maison personnelle, familiale et heureuse, les salons avec les rayonnages de livres, les bibelots, les vieux outils, les skis usagés, qui donnent, tout ensemble, le sentiment d’être en visite chez des amis. Il y encore le beau parquet, les murs jaunes délavés, la terrasse à colonnades sur le jardin intérieur, les tables espacées, le service souriant, pour trente couverts seulement.
Antonio, qui est l’hôte, l’amphitryon, le bon samaritain du lieu, relayé pour la partie vins par le fidèle, discret et savant Mototsugu Hayashi, veille au bonheur de chacun. Tandis que son épouse, sa maman, son fils aîné s’affairent dans une cuisine nickel. On sait que Nadia, timide et discrète, a fait, comme Antonio, Sciences Po Milan, qu’elle a obtenu ensuite un diplôme des sciences de l’alimentation, avant de venir pratiquer ici la tradition comme une seconde nature, l’allégeant, redonnant vie aux gestes d’avant. Les pâtes découpées main, les sauces à la seconde près, les cuissons courtes, les assaisonnements millimétrés: voilà son domaine, voilà ce qui vous attend là.
Ce soir, c’était le velouté de potiron d’une simplicité biblique, juste rehaussé d’un trait d’huile d’olive, puis la fine terrine en gelée de homard à l’huile vierge, avec son anguille en matelote, ses quelques grains de caviar Baeri, la divine anguille cuite la peau avec son fin parfum d’orange, ses quelques oignons roses (un miracle d’équilibre!), les « agnoli in brodo », comme des petits tortellini farcis de viande et roulés, cuits al dente, dans leur bouillon de poule, selon une recette de maman Bruna.
Et puis encore les triangles farcis de burrata des Pouilles, avec la fondue de Parmesan, son délicat parfum de truffe blanche d’Alba. Ce sont là des plats de seigneurs pour hobereaux gourmands et gourmets, des mets d’évidence. J’ai oublié au passage les amuse-gueule typiques de la demeure et de la région, goûtés au salon, en compagnie d’un chardonnay (élevé sans barrique), avec un rien perlant, du copain Maurizio Zanella de Franciacorta, au domaine de Ca del Bosco: le culatello de Zibello, le salami de Mantoue, les fameuses et divines tuiles chaudes de parmesan, dont la mode fit le tour du monde, avant que moult grands chefs d’ailleurs (n’est ce pas Alain Ducasse et Sirio Maccione?) viennent les goûter ici.
On oublie encore les pains divins, le Montepulciano d’Abruzzo de la Valle Reale, le Guado al Tesso du marquis Antinori, le soave doux I Capitelli de l’ami Anselmi en Vénétie. Mais on revient au loup à l’huile d’olive, avec ses câpres, son filet d’anchois. Et on loue encore la divine côte de boeuf d’ici taillée en filet épais, si tendre, si juteux, servi bien rouge, gratiné aux herbes aromatiques; une viande qu’on croit simplement découvrir pour la toute première fois.
On achève, d’abord, sur une série de fromages régionaux, dont le gorgonzola doux avec la moutarde de fruit de Crémone ou le parmesan et son vinaigre balsamique, sans omettre le provolone lombard ou le chèvre de Pinerolo en Piémont. Mais on ne fait pas l’impasse sur les desserts, comme la torte d’amaretti mantovan, ce traditionnel gâteau aux amandes revu ici avec café, crème, croquant et sabayon ou le gâteau au chocolat avec son coeur de châtaigne ou encore la terrine de fruits avec sa tisane à la verveine.
Ce repas, que l’on pourra achever avec une grappa Fragolino de Nonino, avec son goût de marc doux, plus domestiqué, que sauvage, si délicat et si digeste, est comme une symphonie heureuse, une ode magnifique aux traditions paysannes et aristocratiques non seulement de la Lombardie flirtant avec l’Emilie-Romagne,mais de toute l’Italie heureuse, dans une demeure simple et seulette, luxueuse et douce, un Relais & Châteaux qui cache délicatement, merveilleusement son jeu.
Tout à fait d’accord avec vous, Mr Pudlowski: quelle magie! J’y suis allé ce Jeudi 14 Juin 2012, et tout, absolument tout fut de toute beauté: le charme de cette belle grande table, la compagne Italienne, l’adorable famille Santini, cette cuisine gouteuse aux saveurs franches et mémorables.
En ai fait un bel article sur mon blog: http://tinyurl.com/7lzu9j6
Ai hate d’y retourner. J’espère simplement que ca soit le plus tot possible.
Que des inexactitudes, pas gastronomiques, mais linguistiques, dans ce billet !
Tout d’abord, pourquoi ne pas s’appliquer à réécrire correctement le nom du lieu ? Ce n’est pas Canneto-sul-Oglio mais Canneto sull’Oglio, et il n’y a pas de tirets. Quelle manie de vouloir toujours tout accommoder à la sauce hexagonale… Pourquoi ne pas traduire le nom de Canneto, tant qu’on y est ?
Bien évidemment, une fois qu’on a validé ce « sul-Oglio » qui n’a pas raison d’exister, on le retrouve partout, dans les tags, dans d’autres références… Youpi.
Et puis, Oglio, le nom de la rivière, ne veut nullement dire huile en italien : cette dernière se disant olio.
C’est agaçant toute cette prétention…