Mon Bistrot
« Obernai: Bruno Sohn, le énième retour »
Ce pigeon-voyageur de la cuisine alsacienne, vous le connaissez par coeur ou presque. Glissons ici qu’on le suit depuis vingt ans au moins, d’Illkirch (le Cerf, le Foyer des Pêcheurs) à Ostwald (le Château de l’île), Cannes (« Mi Figue mi Raisin ») à Nice (le Palais de la Méditerranée), sans parler d’Obernai (La Table de Bruno, dans ce qui est l’actuelle Fourchette des Ducs) et de Strasbourg (Quai Sud). J’en oublie au passage, en citant de mémoire, sachant que Bruno Sohn fut au service de quelques oligarques gourmands (Roman Abramovitch en tête).
Le voilà donc, pour son énième retour, dans une zone industrielle entre les parages de Bischoffsheim et Obernai, jouant le rôle du chef modeste, sudiste, sincère, généreux, oeuvrant au su et au vu de tous, à tous les prix. Sa patronne et compagne, la jolie Rebecca, qui possède plusieurs tables façon pizzeria (dont une dans un ancien garage à Betschdorf), dont il va devoir jouer le rôle exécutif et con sultant, le retient désormais, espérant que cette fois-ci sera la bonne et que Bruno ne prendra pas la fille de l’air, juste après la parution de cet article, comme ce fut longtemps son habitude.
Dans un cadre d’une simplicité biblique, où les tables – non nappées – jouent les tréteaux pour amis du patron, on goûte les belles idées du jour, de la saison et du moment. Potage Germiny à l’oseille, charcuterie italienne et burratina, rillettes de sardines à l’huile d’olive, pizza variées dont une fameuse à la truffe ou encore terrine foie gras flanquée de son chutney de fruits du berawecka composent des hors-d’oeuvre légers, frais et de qualité. On ajoute le vol au vent d’épaule de veau crémée façon bouchée à la reine avec ses champignons de Paris et ses nouilles, les ravioli de daube de boeuf à la provençale, les rustiques tripes à la catalane, servies en cocotte Staub et saupoudrées de parmesan, sans omettre le lieu de ligne façon « Obernai-Marrakech » avec ses épices du grand Sud, sa saucisse noire et ses pois chiches.
Bref, autant de mets qui font rêver, voyager, s’évader. Pour démontrer qu’il demeure un classique de qualité et qui s’honore, Bruno vous sort tout à trac une tourte de lièvre à la royale de toute beauté, mais aussi un Paris-Brest monté à la minute, en guise de dessert d’enfance avec sa belle crème au beurre praliné, sans omettre, in fine encore, un vacherin glacé à la châtaigne et whisky avec coing et pommes confites plus crème fouettée ou encore un joli tiramisu au café, grappa et amaretto. Là dessus, on boit les vins du copain voisin Kumpf et Meyer (riesling grand cru Bruderthal ou pinot noir bio gouleyant), le fleurie de Metras servi en magnum ou encore le gewurz VT de Trimbach à Ribeauvillé.
La ronde des rhums Bailly et des armagnacs de Francis Darroze sont là pour ponctuer ces agapes festives et gourmandes, comme pour célébrer dignement le retour de l’enfant prodigue qui va sans doute créer d’autres « Mon Bistrot » sur le même mode, alsaco-sudiste. Bref, Bruno est revenu au pays des cigognes. Mais fasse le Ciel qu’il ne change pas d’avis!