Au Soldat de l’An II

L’entrée ©  GP

Il est le soldat mythique, valeureux autant que solide, éternel allait on dire, de fondation quasiment, dans son ancienne grange rénovée face à la porte d’Allemagne de sa belle citée fortifiée. Ici les souvenirs sont littéraires: ceux d’Erckmann-Chatrian, nés ici même en 1822 pour le premier, en 1824 à Grand Soldat pour le second, dont le monument de 1922, payé par une souscription publique, orne une rue centrale, ceux aussi de G. Bruno dont le fameux « Tour de France par deux enfants » débute ici même face à la porte de France « par un épais brouillard de septembre« .

Georges et Brigitte Schmitt © GP

C’est dire qu’on ne s’assoit par hasard chez Brigitte et Georges Schmitt, dans leur demeure riche d’histoire, à l’image du bourg lui-même. La décoration rappelle que le maître de céans fut autrefois antiquaire – ce que beaux vitraux, vieux meubles et tableaux rares soulignent et suggèrent. Et la cuisine est à l’unisson du lieu, jouant la tradition d’ici, le régionalisme bien compris, avec quelques échappées sudistes bienvenues.

Velouté de saint-jacques et potiron © GP

Foie gras en gelée et sa confiture © GP

Un repas ici, sous la houlette du maestro de salle Bruno Dubois, présent là depuis 28 ans: comme un hommage aux classiques redéfinis. Il prend le tour d’une promenade en mer (titre d’un des menus), d’une ode au diamant noir, mais aussi, car ce fut une formule ici célèbre, d’un banquet façon noces lorraines d’antan. « Fameux » foie gras en forme de mirabelle avec sa gelée de gewurztraminer vendanges tardives avec sa confiture de fruits secs, sa gelée de truffe noire, salade de homard aux truffes aux lait d’amande, velouté de saint-jacques et potiron ou maigre dit aigle bar aux coquillages.

Bouillabaisse © GP

Chevreuil © GP

La bouillabaisse, avec poisson traité en finesse avec leur petit jus safrané, frise ici l’exotisme. Mais la chasse offre quelques moments grandioses comme ce juteux perdreau et cuit en cocotte découpé en salle ou ce chevreuil joliment escalopé avec ses airelles. Les accompagnements – knepfle qui sont des späetzle au fromage blanc, girolles, cèpes et chou rouge – entonnent, eux aussi, le grand air de la tradition.

Perdreau © GP

Et sa découpe © GP

Là dessus, le « Grasberg », terroir calcaire du jurassique, signé Deiss à Bergheim, mariant riesling et gewurz ou Roda 1 en rioja, puissant, vif, parfumé , tirés d’une cave prodigieuse, jouent les escortes de classe. Et, en dessert, les petits babas à la mangue avec leur sorbet au thé matcha ou le biscuit chocolaté avec sa glace Snicker jouent la ponctuation finale légère. Voilà une maison douce qui joue le voyage hors du temps et l’évasion sereine avec classe. Quelques chambres « royales » sont là pour le repos d’un soir ou de plusieurs.

Babas et sorbet matcha © GP