Chez Daniel
« New York: Daniel Boulud croque la grosse pomme »
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Il est le plus discret des grands chefs de New York, mais le plus fidèle à ses racines. Lyonnais bon teint, travaillant la charcuterie avec Gilles Vérot, comme il le fit pour la pâtisserie avec François Payard, il accumule les affaires sans faire de bruit inutile. Formé en France chez Nandron, Blanc, Vergé, Guérard, premier chef du Plaza-Athénée, puis, six ans durant, chef du Cirque, Daniel Boulud joue désormais sa partition en solo se créant un empire. Le Café Boulud, son ex première table devenue son annexe chic, toute proche de Central Park, Chez Daniel, grande table, dans l’ex-Mayfair-Regent, traiteur, DB bistrot moderne, coincé entre l’Algonquin, le Sofitel et le Royalton, Epicerie Boulud, Boulud Sud, et on en oublie comme le DBGB et quelques autres de Toronto à Miami, de Boston à Palm Beach…
Mais il ne faut pas hésiter à découvrir le vrai Daniel dans son palais baroque en coin sur Park Avenue. Le cadre néo-vénitien a du charme, le service est plus que parfait, le sommelier jongle avec les meilleurs vins US et la cuisine, qui puise dans le Maine, en Virginie ou l’Etat de New York les produits de saison, se passe d’épices inutiles. Classique dans l’âme, sachant faire moderne, léger et frais, sans oublier de préciser les goûts et de mesurer ses cuissons, Daniel Boulud se montre le roi des saveurs justes.
Vous adorerez la mosaïque de foie gras et poularde au céleri à la truffe noire, le velouté de topinambours à la poitrine de caille, crème de trompette, truffe blanche, l’huître Shigoku en gelée avec sa mousseline de fenouil et son oursin, citron, concombre et caviar d’esturgeon blanc, le ceviche de coquille saint jacques de la baie de Nantucket au keffir, avocat et mangue ou encore la même saint-jacques légèrement panée et flanquée d’une mousseline de céleri, la langoustine écossaise croustillante à la « Polonaise » au chou fleur, vadouvan et topinambours, les agnolottis à la truffe d’Alba, comme le thon aux oignons rouges caramélisés ou le turbot farci au speck et tombée de chou.
Voilà une cuisine, nette et pure, mettant en valeur le produit, qu’on ne s’attend pas forcément à trouver de ce côté-ci de l’Atlantique. Le canard à la presse avec marmelade de choux rouge et pommes confites en deux services tient, lui, de l’exercice de style de haute voltige et de grande tradition classique, vif, brillant, enlevé, magnifiquement mené, avec son canard préalablement mariné à l’orange, servi avec sa sauce riche, son confit d’échalote, noix et airelles. Superbe!
Là dessus, le chardonnay séducteur d’Hirsch Vineyards sur la côte de Sonoma comme le splendide pinot noir Litorai d’Anderson Valley font des escortes de classe. Et les desserts travaillés, sur des thèmes fruités, le vacherin Borneo et sa chantilly coco et son sorbet avocat-citron, le ruban rouge avec sa mousseline de clémentine, son biscuit sablé et son sorbet coing vodka ou chocolaté, avec le palet au chocolat noir et la mousse café avec feuillantine de noix de pécan et son sorbet citron-praliné font retomber en enfance.
Le service français est vite complice, la demeure a de l’allure, les artistes américains comme le peintre Chuck Close sont ici chez eux. Bref, on comprend que Boulud, frenchie adopté par la Grosse Pomme et qui la croque avec gourmandise, est devenu un des grands de la cuisine du monde.