Modiano et sa petite musique

Article du 17 octobre 2014

« Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier »: si l’on compte bien, c’est le 24e roman paru de lui chez Gallimard (son 27e, si on inclut les trois volumes parus au Seuil dont « Remise de Peine »). Et un opus fidèle à la manière du tout récent Prix Nobel de Littérature, un Modiano qui ne dépaysera guère ses supporters… dont nous sommes. Le sujet: un homme – anodin, même s’il est écrivain – perd son carnet d’adresses. Il se nomme Jean Daragane. Va se retrouver en quête de ses années d’enfance, entre les lisières de Paris, aux abords de Saint-Leu-la-Forêt, et le 9e arrondissement côté Pigalle et la rue Laferrière. Réduire un roman de Patrick Modiano à un jeu de piste serait évidemment simplet. Reste que chez lui l’état des lieux a toujours son importance. Daragane va rencontrer quelques fantômes de son passé, en croisant la route de l’étrange Gilles Ottilini qui lui rapporte ce carnet perdu mais l’interroge sur un des noms qui y figurent. Le livre prend le tour d’une quête et d’une enquête. Et, bien sûr, l’auteur en profite pour s’expliquer, livrant les clés de son oeuvre. « Ecrire un livre, c’était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l’intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu’elles étaient devenues« , peut-on lire à la page 70. Et l’on ne serait être plus clairvoyant sur soi-même. Tout Modiano, en quête de ses fantômes, des silhouettes furtives qui meublent un passé semi-imaginaire, entre une époque disparue et un clair-obscur diffus, incertain, permanent, se trouve là, transcrit avec une vigueur qui émeut, transperce, sans jamais forcer le trait. Tout le charme de sa petite musique éminemment modianesque…

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, de Patrick Modiano (Gallimard, 146 pages, 16,90 €).

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Publié le 17 octobre 2014 par

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