Modiano, « notre » Nobel

Article du 9 octobre 2014
Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Ce jour là, je me souviens, il avait reçu le Goncourt qu’il avait loupé pour « Villa Triste ». Certes, « Rue des boutiques obscures » ce n’était pas mal. Mais c’était déjà le moment où Patrick donnait le sentiment de se pasticher lui-même, partir, une fois de plus, à la recherche de ses fantômes, des amis de son père, de quelques silhouettes interlopes dans la nuit. Depuis « la Place de l’Etoile », il avait prouvé que l’on pouvait se moquer de l’Occup’ en y plongeant. Néo-célinien, reprenant le patronyme de Bardamu, le héros du « Voyage », Patrick Modiano s’imposait sur la scène littéraire comme un enfant des années sombres.

Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Chaque année ou presque devait nous apporter un nouveau livre. « La Ronde de Nuit », « les Boulevards de Ceinture », « Villa Triste », bien sûr, et puis « Livret de Famille », cette « Rue des Boutiques Obscures » laurée par le Goncourt, plus « Une Jeunesse », « De Si Braves Garçons », « Quartier Perdu » ou « Dimanches d’Août »: autant dire ‘ »nos » Modiano préférés. Nous sommes quelques uns – n’est ce pas Olivier Barrot, qui lui consacra un livre et demeure son fidèle épigone – à connaître par coeur le lieu de ses fugues, à réciter les titres les plus rares, notamment ceux qui échappent à la sphère Gallimard, comme « Poupée Blonde » ou « Mémory Lane ». Ce Modiano vintage, années 1950, errant entre la rue d’Auteuil et le Quai Louis Blériot, glissant furtivement, comme son héros, dans une boîte années 1950 du boulevard Gouvion-Saint-Cyr pour boire de l’Izarra verte (« qui lui rappelait les prairies de son Kentucky natal« ), voilà le Patrick de notre mémoire.

Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Patrick Modiano © Maurice Rougemont

Piéton mémorable, archiviste de nos drames obscurs, portraitiste admirable de figures disparues (Dora Bruder, Un Pedigree), Modiano nous offre le Nobel que l’on n’attendait pas. On a tous en nous quelque chose de Modiano, n’est ce pas? Et, avec lui, c’est notre jeunesse et notre passé décomposé qui est récompensé. Merci Patrick: grâce à toi, nous avons gagné le Nobel de littérature cette année!

Son dernier livre © GP

Son dernier livre © GP

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Publié le 9 octobre 2014 par

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