Drôle de quartier, qui ne connaît ni stress, ni bouleversement, sinon d’infimes changements avec mesure. Mayfair figure un Londres de carte postale, avec ses ruelles débonnaires – les « mews » – , ses boutiques chics, ses galeries d’art, ses marques internationales, ses clubs pour gentlemen, ses pubs pour cochers et assimilés – qui sont vous, moi, ou les même gentlemen au sortir d’une de ces entreprises discrètes qui ont, oh à peine, pignon sur rue.

Tout se fait dans une souplesse louable, avec un charme infini et un vrai sens de la lenteur, dans ces parages bien nés. C’est comme si le 16^e arrondissement se trouvait au centre de Paris. Quelques unes des meilleures adresses de la ville y jouent le rôle d’étapes institutionnelles: tel le Connaught, qu’habita De Gaulle en 1940, qui a retrouvé son lustre sans perdre son âme, sur Carlos Place, se refaisant une beauté, se donnant d’une aile moderne, avec des  chambres au design contemporain, sobre, chic, post moderne, retrouvant les grâces nettes de l’Art déco. Jouant aussi les grâces gourmandes sous l’égide d’Hélène Darroze, qui joue le gastro français de qualité grande (on y reviendra), la brasserie chic (Espelette) et le tea time.

Il y a aussi les neuves boutiques de Mount Street: Christian Louboutin, avec ses souliers colorés, dans une échoppe de style joyeux – mieux qu’à Paris! – jouxtant Marc Jacobs et ses robes baroques. Mais, qu’on se rassure: si Londres bouge, Mayfair demeure fidèle à lui-même. Avec ses demeures de style gothique victorien en briques rouges, ses pubs d’avant, ses messieurs au visage rougi qui savent prendre le temps. A l’angle de South Audley Street et de Mount Street, au vieil Audley, ils attendent que l’on tire leur pinte avec componction. Shepherd Market, avec ses venelles villageoises, sa taverne éponyme qui accueillit les pilotes de la RAF, le sympathique Ye Grapes, ses vitrines champêtres et raffinées à la fois, demeure intact.

Mayfair est un bonheur qui ferait croire que rien,  Londres n’a vraiment changé, malgré le tunnel sous la Manche, l’Eurostar, l’irruption des branchés ou le big bang gourmand. Sir Conran joue l’Italie, version design, à l’enseigne de Sartoria. Tamarind propose, dans un cadre contemporain, une des deux cuisines indiennes étoilées de la ville. Gagnaire, associé au bouillonnant Momo, a choisi Conduit Street, près de Savile Row, voie reine des tailleurs chics, et de New Bond Street, chérie des griffes prestigieuses, pour créer Sketch, sa première table, assortie à un rez-de-chaussée branché, hors de France.

Toutes les folies sont ici permises, car elles sont bien élevées. Sur Brook Street, la rue du Claridge’s, où descend l’aristocratie british, où les grands de ce monde ont l’assurance de demeurer anonymes, la maison d’Haendel devenue musée jouxte celle qu’habita Jimmy Hendrix. Les petites plaques bleues témoignent que ce quartier a toujours été habité par les aristocrates, les rois en exil (Charles X sur South  Audley Street), les dandies (tel « Beau » Brummel) ou les artistes.

Curzon Street  abrite des clubs, des boutiques indémodables (GF Trumper pour la barbe et les cheveux masculins). Sotheby’s, avec ses couloirs dignes d’un musée, se trouve à deux pas de la petite Cork Street, dévolue aux galeries d’art. Les plus grands noms figurent sur les cimaises. Chez l’imprévu Helly Nahmad, Miro jouxte Max Ernst, Soutine, Picasso, Léger, Picabia, Dali ou Klee. A deux pas de Burlington Arcade et de ses vitrines façon maisons de poupée, le chic Mayfair se fait complice.

Morand relevait dès 1933: « Mayfair est moins un quartier qu’une manière d’être, une façon d’envisager la vie, de savoir tenir son parapluie à la main toute l’année, de ne pas reconnaître quelqu’un qui ne vous a pas été présenté que quatre à cinq fois, de garder son chapeau melon jusqu’en juillet, après le match d’Eton contre Harrow, d’avoir l’accent d’Oxford et de ne pas terminer ses phrases« . Vous l’avez saisi: Mayfair demeure le refuge du Londres d’hier et de toujours. Son résumé, sa meilleure image et le mieux préservé de ses secrets.

Carnet de Route

Y aller

Eurostar assure  17 a+r quotidiens de 2h15 entre Paris et Londres. Rens. 08 92 35 35 39 ou www.eurostar.com. A partir de 75 € en « Day Trip ». Excellent service de restauration à bord.

Dormir

The Connaught, Carlos Pl. Tél. 020 7499 7070. Fax 020 7495 3262 Ch. 289-610 £.
Institution de Mayfair, qu’habita De Gaulle en 1940, a été remise à neuf, agrandie et modernisée sans perdre son âme.

Claridge’s, Brook St. Tél. 020 7629 8860. Fax 020 7499 2210. Ch. 365-650 £
Splendide palace Art déco, rénové avec charme, au top du chic aristocratique.

Flemings, Half Moon Str. Tél. 020 7499 0000. www.flemings-mayfair.co.uk Ch. 185-265 £. Petite demeure victorienne, près de Shepherd Market.

Se restaurer

Hélène Darroze au Connaught: une chef française donne le ton de la mode, côté Sud-Ouest. A goûter aussi la brasserie Espelette. Et le brunch du week-end.

Gordon Ramsay, at the Claridge’s: le 3 étoiles de Chelsea, présent partout à Londres, a aussi trouvé refuge dans ce beau palace Art déco.

Le Gavroche, 43 Upper Brook St. Tél. 020 7408 0881. « The » Français à Londres au charme intact, sous la houlette de Michel Roux.

The Square, 6, Bruton St. Tél. 020 7495 7100. Pour découvrir Phil Howard, le 2 étoiles le plus discret de la ville.

Tamarind, 20 Queen St. Tél. 020 7629 3561. Indien chic et de  qualité.

Scott‘s, 20 Mount Street. Tél. 020 7495 7309. Cuisine de poisson, clientèle chic, typique de Mayfair, sorte de Prunier ou d’Ecailler du Palais Royal local.

Sartoria, Saville Row. Tél. 020 7534 7000. Italien design, griffé Conran.

Sketch, 9 Conduit St. Tél. 0870 770 65 88. Belle adresse signée Pierre Gagnaire et Momo (alias Mourad Mazouz).

Boire

Pubs: Audley, S. Audley St., Coach & Horses, Bruton St., Ye Grapes, Shepherd Market, Shepherd’s Tavern, 50 Herdford St., The Back Door, Old Burlington St.

Lire

Parmi les guides de Londres: vert Michelin, coup de cœur Arthaud, spiral Gallimard, grand week-end Hachette. Et l’indémodable « Londres » de Paul Morand  (Plon).

Rapporter

Shopping sur New Bond Street (coup de cœur pour Smythson, papeterie de la cour, au 40). Articles de rasage chez GF Trumper, 9 Curzon St.

Utile

O.-T. Grande-Bretagne, BP154-08, 75363 Paris Cedex 08. Tél. 01 58 36 50 50. www.visitbritain.com/fr.