Le bonheur national brut selon François Roux

Article du 20 septembre 2014

9782226259738g

Mais non ce gros pavé ne se lit pas d’une traite! J’ai bien dû passer quinze jours avec les quatre héros, Paul, Rodolphe, Benoît, Tanguy, à les voir évoluer depuis leur bourg de Bretagne jusqu’aux méandres de Paris, du 10 mai 1981 au 6 mai 2012, de la victoire de Mitterrand à l’avènement de Hollande, bref, de François à François. Paul, Rodolphe, Benoît, Tanguy et les autres pensent que leur vie va changer – elle changera!-, que tout est possible. Le premier, qui est le narrateur du roman et du groupe, va oser, peu à peu, avouer son homosexualité, ne sera pas médecin, comme le souhaiterait ses parents, mais comédien. Le second issu d’une famille modeste -et communiste -, ratera l’ENA, mais deviendra un homme politique de renom, poussé en avant par sa douce épouse Alice et son riche beau-père, l’homme d’affaires Artus Costa. Le troisième, fils de paysans, élevé par son grand-père deviendra le fameux Benoît Messager – « le » photographe de son époque entre Salgado, Arthus-Bertrand et Cartier-Bresson. Le quatrième, fasciné par la réussite de Bernard Tapie, basculera entre business international dans la parfumerie, la pub, l’amour des femmes et le retour aux racines dans l’entreprise de conserve familiale.

Mais on ne dévoilera pas toute l’histoire large, dense, touffue, riche en rebondissements, narrée par François Roux, cinéaste à ressorts, dont c’est le second roman, et qui se révèle ici narrateur de son temps avec brio, brossant une fresque qui embrasse son époque, suit ses personnages avec une minutie passionnée et une rigueur très convaincante. Le titre, qui évoque une notion de bonheur quantifiable, telle que l’a mise à la mode le roi du Bouthan dans les années 1970, exprime de façon ironique cette quête effrénée de nos quatre personnages déboussolés dans leurs itinéraires, entre espoirs et désillusions.

In fine, l’auteur révèle que parmi les personnes interrogées pour son livre se trouvent Manuel Valls, notre actuel premier ministre, qui se retrouve « profilé » dans l’un des personnages du livre, Gabriel, homme politique révélateur de la « deuxième gauche » et proche de Rodolphe, le second de la bande des quatre de ce romans à clés. On peut lire ce dernier comme une fresque à la Dumas ou à la Balzac, ou encore comme un document habile sur les faux espoirs d’aujourd’hui. « Les hommes, disait Chardonne, seraient plus heureux si on leur parlait moins de bonheur« .

Le bonheur national brut, de François Roux (Albin Michel, 679 pages, 22,90 €).

A propos de cet article

Publié le 20 septembre 2014 par

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !